Les grandes tendances des réformes territoriales

Dans le cadre d’une étude sur les finances publiques territoriales au sein de l’Union européenne, Dexia et le Conseil des communes et régions d’Europe/CCRE se sont penchés sur l’organisation territoriale des pays membres de l’UE. Si des modèles très différents coexistent, on observe un mouvement général de réorganisation territoriale et de réforme institutionnelle, notamment depuis la crise économique de 2008, dans un souci de rationalisation et de mutualisation des moyens.

Sur 28 États membres de l’Union européenne, trois ont une structure fédérale (Allemagne, Autriche, Belgique), et un est quasi-fédéral (Espagne) ; les autres sont unitaires. Le nombre de niveaux de collectivités locales varie selon les pays : 11 d’entre eux n’en comportent qu’un – le niveau communal –, dix comptent communes et régions (Croatie comprise), et sept pays ont trois niveaux de collectivités (dont la France).


Fusion des communes/un mouvement de concentration des communes

La taille moyenne des communes est très variable selon les pays. En effet, 80 % des 89 000 communes de l’Union européenne sont situées dans seulement cinq pays : France (41 %), Allemagne (13 %), Espagne (9%), Italie (9%) et République Tchèque (7 %). À l’opposé, dans 8 pays, les municipalités comptent en moyenne plus de 30 000 habitants, l’Angleterre représentant un cas extrême avec une moyenne de 152 000 habitants par commune.

Ces dernières années, de nombreux pays européens se sont engagés dans un processus de fusion de communes, qui s’est accéléré avec la crise. Ainsi, en Grèce, le nombre de communes a été divisé par trois en 2011 (de 1034 à 325). En Allemagne, ce chiffre a baissé de 7% en 4 ans. Au Luxembourg, le nombre de communes est passé de 116 à 106 le premier janvier 2012. Il passera de 105 à 102 au premier janvier 2018.

Un mouvement qui ne s’est pas opéré en France, qui est pourtant le pays qui compte le plus de communes en Europe. Sur les 89752 villes que comptaient, en 2013, les 28 pays de l’UE, 80 % sont en effet situées dans cinq d’entre eux dont 41 % en France, et 13 % en Allemagne.

En Italie, le projet de suppression des communes de moins de 1000 habitants a suscité des réticences et a de fait été abandonné.

En France, alors que la majorité des maires de France se dresse toujours contre une fusion des communes de moins de 5.000 ou de 10.000 habitants (hors zones de montagnes), la plupart de ses voisins européens ont choisi cette voie là dès les années 19601.

Rappelons que la France est une anomalie dans le paysage européen avec ses 36658 communes (chiffre 2016), soit environ 40% de toutes les communes de l’Union européenne. Un record régulièrement déploré par l’OCDE qui invite le pays à « simplifier la structure des administrations infranationales, notamment en fusionnant les plus petites des 36.700 communes et en supprimant les départements, engendrerait des économies d’échelle substantielles. En moyenne, une commune française compte environ 1.800 habitants contre 5.500 pour l’Union européenne et 55.000 au Danemark. ».

Du côté des pays latins comme l’Italie et l’Espagne, ils n’ont pas procédé à une réforme communale mais le nombre de leurs communes y est depuis longtemps beaucoup moins élevé que, par exemple, en France. Il y a en Italie : 8.101 communes pour 61 millions d’habitants et en Espagne : 8.167 communes pour 47 millions d’habitants. En France, on compte 36658 communes pour 66.9 millions d’habitants (chiffres 2016).


Une montée en puissance de l’intercommunalité

Outre les fusions, la coopération intercommunale est de plus en plus encouragée par les gouvernements. Par exemple, en Italie, depuis 2015, les communes de moins de 5000 habitants doivent réaliser des achats groupés, tandis qu’en Irlande, elles sont incitées à mettre en place des services partagés pour la gestion des déchets, l’eau, le recouvrement des loyers.


Création de métropoles

Le renforcement de la coopération entre les communes au niveau des agglomérations urbaines est également observé. A l’image de la France, qui s’est dotée d’une dizaine de métropoles fin 2013, de nombreuses grandes villes européennes sont en voie de métropolisation.

En Italie par exemple, la loi de mars 2009 a créé un statut spécial pour Rome Capitale et pour les neuf villes métropolitaines (Turin, Milan, Venise, Gênes, Bologne, Florence, Bari et Naples, et Reggio de Calabre).

Tandis qu’en Irlande, la loi “Local Government (Dublin Mayor and Regional Authority) Bill 2010” a instauré un maire élu pour diriger Dublin et sa région et veiller aux questions de l’aménagement du territoire, le logement, la gestion des déchets et de l’eau ainsi que des transports régionaux.

Aux Pays-Bas, il y a l’émergence de la région métropolitaine Rotterdam-La Haye et en Angleterre, des City deals sont en cours d’élaboration pour les 10 plus grandes villes.


Suppression des échelons intermédiaires

Présentes dans sept pays de l’UE, les collectivités de rang intermédiaire, situées entre les régions et les communes, sont en voie de disparition. L’ancien chef du gouvernement italien Matteo Renzi a ainsi fait voter en mars 2014 un projet prévoyant une révision des fonctions et compétences des provinces – les “départements” italiens – en vue de leur regroupement/(de 110 à 60). Une initiative qui précédait l’intention de François Hollande de supprimer les conseils généraux, annoncée en mai 2014, mais qui n’a pas abouti. On constate aussi une disparition progressive des comtés en Angleterre et la diminution des compétences et du nombre d’élus des provinces en Belgique.


Renforcement en demi-teinte des régions

On observe également dans l’UE un renforcement de l’échelon régional. En Belgique par exemple, des transferts de compétences de l’Etat vers les régions et les communautés ont été votées fin juin 2013, notamment pour prendre en charge des politiques d’emploi et de santé. Là encore, en se dotant fin 2015 de “super-régions”, la France s’est inscrite dans la tendance européenne

Toutefois, si on constate un renforcement global du niveau régional, ce dernier a récemment été affaibli dans certains pays. La situation du Royaume-Uni est particulière : alors que l’Écosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord ont vu progressivement leur autonomie institutionnelle et financière se renforcer depuis la dévolution de 1998, la suppression des agences régionales de développement en Angleterre semble compromettre la régionalisation de cette dernière.


1 Article de Gaspard Dhellemmes, JDD, 2014