Institutions européennes et collectivités
territoriales

L’UNION EUROPÉENNE

L’Union européenne s’est intéressée tardivement aux collectivités infra-étatiques. L’Union a réussi à associer, au fil du temps, l’acteur régional à ses finalités économiques. Bien que totalement absentes des traités fondateurs de Paris et de Rome, les collectivités territoriales ont trouvé leur place dans le traité de Maastricht qui a, en grande partie, reformulé le fonctionnement de l’Union.

Le Comité des régions, organe compétent dans la défense des intérêts locaux et régionaux, est venu à la fois concurrencer et compléter l’action du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux au niveau européen. Pour sa part, la Commission européenne a lancé une politique régionale dans le cadre de sa mission de développement économique du continent européen. L’institutionnalisation de la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne a enfin offert le cadre pour une coopération plus organisée entre les deux organes, au profit de l’autonomie locale.

Sur le plan institutionnel, elle comprend le Comité des régions (traité de Maastricht de 1992). Cet organe consultatif est composé de 350 représentants des collectivités régionales et locales des 28 États membres de l’UE, dont 24 représentants des collectivités françaises. Ces membres sont nommés par le Conseil sur proposition des États, pour cinq ans. Il doit être consulté avant toute décision portant sur des thèmes intéressant les pouvoirs locaux et régionaux.

L’Union européenne a développé depuis plus de 40 ans une politique régionale s’appuyant sur les “fonds structurels européens”, dédiés notamment au développement régional. Les plus importants à savoir le FSE (Fonds social européen) et le FEDER (Fonds européen de développement régional) ont été respectivement crées en 1957 avec le Traité de Rome et e 1975. Autrefois gérés par les préfets de région, la  loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014 a transféré aux régions la gestion des fonds européens. C’est également le cas dans la plupart des autres pays de l’Union européenne. Ces fonds structurels privilégient les besoins des territoires ou des populations en difficulté, et les actions ayant le plus fort effet économique et social. La politique régionale européenne s’appuie également sur des programmes pluriannuels de développement, établis en concertation entre la Commission européenne et les États, et destinés à la réalisation de projets d’envergure (infrastructures routières, etc.)

Par ailleurs, l’Union européenne pose le principe de subsidiarité selon lequel l’échelon supérieur ne gère que les affaires qui ne peuvent être réglées localement. Ce principe a inspiré en France par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 reconnaissant aux collectivités territoriales une simple “vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon” (art. 72 al. 2). De faible contenu juridique, cette formulation du principe a également une faible application pratique en France.

Enfin, depuis 1992, l’Union européenne reconnaît aux ressortissants des États membres de l’Union européenne le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales, aux mêmes conditions que les nationaux, dans le cadre de la reconnaissance de la citoyenneté européenne. En France, c’est l’article 88-3 de la Constitution (par dérogation à l’article 3) et la loi du 25 mai 1998 (déterminant les conditions d’application de l’article 88-3 de la Constitution) qui consacrent ce droit accordé aux ressortissants de l’Union pour les élections municipales. Afin de préserver la souveraineté de la France, ces élus municipaux non français ne peuvent cependant pas être élus maires ni participer aux collèges électoraux sénatoriaux.

L’extrême diversité dans le découpage territorial de ses Etats membres, ne va pas sans conséquences pour l’organisation des politiques redistributives de l’Union européenne. Les objectifs de cohésion économique et sociale de l’UE induisent une distribution des aides au plus près des besoins du citoyen.

A cet effet, l’UE a recueilli des données dans les domaines économique et social afin d’établir sa propre organisation administrative des territoires européens. La nomenclature d’unités territoriales statistiques (NUTS) permet ainsi une redistribution des fonds européens, répondant de la façon la plus ciblée aux besoins de chaque territoire.

Trois niveaux de découpages ont été établis : le niveau 1 (NUTS 1) qui réunit de 3 à 7 millions d’habitants, le niveau 2 (NUTS 2) de 800 000 à 3 millions d’habitants, le niveau 3 (NUTS 3) de 150 000 à 800 000 habitants. Si cette nomenclature complexifie encore le découpage territorial de l’UE, on constate cependant qu’un certain nombre de niveaux NUTS correspondent aux découpages administratifs des États membres.

LE CONSEIL DE L’EUROPE

Le Conseil de l’Europe est la première organisation internationale à avoir intégré l’acteur infra-étatique dans son action. Le Conseil de l’Europe reconnaît l’existence des collectivités territoriales au travers d’institutions consultatives et de la Charte de l’autonomie locale. La Charte européenne de l’autonomie locale constitue, encore aujourd’hui, le seul traité international qui consacre les droits des collectivités territoriales. Malgré quelques lacunes, elle constitue un guide indispensable pour tous les pays qui veulent établir un régime démocratique au niveau local. Elle a été ratifiée par tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.

De la Conférence européenne des pouvoirs locaux et régionaux, a progressivement émergé le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, un organe bicaméral qui consacre l’existence de deux échelons séparés, à savoir le local et le régional.

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux est une “assemblée politique paneuropéenne composée de 648 élus – conseillers régionaux et municipaux, maires et présidents de région – représentant plus de 200 000 collectivités de 47 pays européens”.

Il est composé de deux assemblées, la Chambre des régions et la Chambre des pouvoirs locaux qui réunissent des représentants des différents échelons décentralisés. Il a pour mission de promouvoir la démocratie locale, la coopération transfrontalière et la mise en œuvre de la Charte de l’autonomie locale. Au sein du Conseil de l’Europe, à part le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, d’autres organes, tels que le Comité européen sur la démocratie et la gouvernance, le Centre d’expertise pour l’administration locale et la Conférence des ministres responsables de l’aménagement du territoire, se sont penchés sur l’étude des problématiques relatives au statut et à l’action des entités infra-étatiques.

Les libertés locales, qui ne figurent pas dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CEDH), sont consacrées dans la Charte européenne de l’autonomie locale signée le 15 octobre 1985.

En outre, au fil des années, le Conseil de l’Europe a procédé à l’élaboration d’instruments juridiques qui attribuent de nouvelles tâches aux collectivités territoriales. Les collectivités territoriales participent ainsi à l’établissement de la paix, à travers la Convention-cadre pour la coopération transfrontalière, à la promotion des droits de l’homme, à travers la Charte européenne pour la protection des langues minoritaires et à la défense d’une démocratie pluraliste, en accordant l’espace nécessaire à la participation des groupes tels que les jeunes et les étrangers. En même temps, elles participent à la création d’un espace d’habitation plus humain, à travers les différentes politiques environnementales et sociales. Dès lors, celles-ci se présentent en tant qu’entités polyvalentes, capables d’assumer de nouvelles responsabilités dans les domaines modernes et l’autonomie locale est devenue elle-même une notion à plusieurs facettes, un point de référence au service d’un grand champ d’action. Le concept d’une gouvernance polycentrique engage ainsi tous les niveaux de pouvoir – international, national, régional et local – et la territorialisation des politiques publiques ne pourrait qu’être son complément nécessaire.

En s’inspirant des techniques de contrôle international, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux a réussi à élaborer son corpus de la démocratie locale au sein des pays membres. Le suivi de la Charte européenne de l’autonomie locale, basé sur un système de rapports périodiques, à l’appui d’un groupe d’experts indépendants, constitue la principale activité du Congrès. De plus, l’observation des élections locales et régionales et les missions d’enquête sont des suppléments indispensables à ce suivi, afin d’atteindre un niveau élevé d’autonomie locale en Europe. En même temps, à travers son activité de contrôle, le Congrès s’affirme en tant qu’observatoire de l’autonomie locale, véritable troisième pilier de l’organisation, à côté de l’Assemblée parlementaire et du Comité des Ministres.

Aujourd’hui, l’influence de la Charte européenne de l’autonomie locale est la plupart du temps évidente, en particulier dans les « jeunes démocraties », où elle est manifeste, mais également dans des États membres de longue date où l’adoption d’amendements constitutionnels, l’établissement de nouvelles institutions et la réalisation de plusieurs réformes témoignent des efforts consentis pour mettre en place des normes plus élevées en matière de démocratie locale, dans le droit fil de l’esprit de la Charte. La majorité des pays ont engagé le processus de décentralisation ; ils essuient parfois à ce titre certains revers et sont fréquemment confrontés à des risques de chevauchement et de confusion, dus à des législations imprécises, des structures complexes et des rapports de force avec les autorités de l’État et différents groupes de pression. L’un des principaux problèmes recensés dans beaucoup des pays tient au manquement persistant des autorités étatiques à associer réellement les collectivités locales au processus de décision pour toutes les questions qui les concernent directement. Par ailleurs, l’intensification des difficultés d’ordre financier rencontrées par les collectivités locales n’étonne guère, dans la mesure où les rapports et recommandations s’inscrivent dans un contexte économique particulièrement difficile, marqué par la crise économique mondiale, dans lequel les pouvoirs locaux font partie des principales cibles des coupes et contrôles budgétaires.