Arménie État unitaire
ARMÉNIE | / HISTORIQUE |
Historique et évolutions
L’Arménie est une République à régime semi-présidentiel, qui a adopté sa Constitution le 5 juillet 1995.
L’histoire de ce territoire de vieille civilisation et de passage entre l’Asie et l’Europe, au carrefour d’aires culturelles, religieuses et politiques rivales, champ de bataille des empires de la région, est une succession de phases d’indépendance et de dépendance, d’unification et de morcellement.
Le dernier royaume en Cilicie (région de la Turquie) disparaît à la fin de l’ère des croisades (1375). C’est dans la partie caucasienne du pays, conquise par la Russie en 1828 sur la Perse et l’Empire ottoman, que va renaître un État.
Tout au long du XIXe siècle, la politique tsariste s’y manifeste par des découpages administratifs successifs, destinés à empêcher la formation d’entités homogènes, susceptibles, dans le contexte de l’éveil des nationalismes, de nourrir des tentations séparatistes ou autonomistes.
La Révolution Russe de 1917 laisse les Caucasiens seuls face à la Turquie. Ils forment une Fédération transcaucasienne (avril 1918), qui se dissout sous la pression turque. Le 28 mai 1918, après la Géorgie et l’Azerbaïdjan, la République d’Arménie est proclamée et reconnue par le traité arméno-turc de Batoumi (4 juin 1918).
Ainsi, la première République indépendante y est proclamée le 28 mai 1918, dans le chaos de la Première Guerre mondiale et de l’éclatement de l’Empire russe. En prise à de multiples difficultés – famine, épidémies, afflux de réfugiés, guerres frontalières avec la Géorgie et l’Azerbaïdjan –, ses dirigeants échouent dans leur projet de rassemblement des terres et des hommes dans un État démocratique et souverain, reconnu internationalement.
Lâchée par les Alliés, qui s’étaient pourtant prononcés, au traité de Sèvres (août 1920), pour la création d’une Grande Arménie, prise en tenaille entre les troupes turques kémalistes et l’Armée rouge, l’Arménie est ramenée dans l’orbite russe et soviétisée (décembre 1920), avec un territoire amputé de plusieurs régions, après le rattachement du Nakhitchevan et du Karabakh à l’Azerbaïdjan, et des régions d’Akhalkalaki et d’Akhaltsikhe à la Géorgie. Toutefois, malgré une souveraineté fictive, sa constitution en État demeure acquise.
Après une ultime tentative d’insurrection (février-juillet 1921), l’Arménie est intégrée à l’URSS en tant que l’un des trois membres de la Fédération transcaucasienne (décembre 1922) et obtient en 1936 un statut de République fédérée.
Du communisme de guerre aux années Gorbatchev, en passant par l’ère stalinienne, elle traverse, comme les autres Républiques soviétiques, toutes les étapes de l’histoire de l’URSS, et connaît tous les avatars du régime totalitaire. Sa spécificité réside dans une question nationale non résolue dont témoignent les mutilations territoriales et l’existence d’une diaspora où subsiste l’idéal d’une «Arménie libre, indépendante et réunifiée».
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre de sa tentative d’expansion en Orient, Moscou réactive la question arménienne, en organisant un rapatriement massif des Arméniens de la diaspora (100 000 retours en 1946-1948) et en revendiquant les territoires attribués par le traité de Sèvres à la République indépendante. Cette opération provoque l’une des premières crises de la guerre froide. Mais la déception des « rapatriés » est à la mesure de la nostalgie et des promesses non tenues de la propagande. Répression, discrimination, difficultés matérielles ont poussé à l’émigration une grande partie d’entre eux, à partir de 1956.
Les contacts avec la diaspora confèrent néanmoins au pays une exceptionnelle ouverture sur l’extérieur. Depuis le dégel poststalinien, une réhabilitation sélective de la culture et du passé ainsi que la reconstitution d’une intelligentsia nationale décimée par les purges staliniennes ont ranimé la conscience du passé arménien.
La perestroïka fait ressurgir les revendications récurrentes – linguistiques, culturelles, écologiques, territoriales et autonomistes. En février 1988, le vote du soviet du Haut-Karabakh, peuplé à 80 % d’Arméniens mais rattaché à l’Azerbaïdjan, en faveur de la réunification avec l’Arménie, est l’un des détonateurs de la flambée nationale en URSS et le catalyseur du mouvement démocratique arménien.
Il déclenche des pogroms anti-arméniens en Azerbaïdjan, provoquant des déplacements massifs de populations et des heurts entre Arméniens et Azéris. La politique du pouvoir central soviétique de neutralisation d’un nationalisme par l’autre radicalise l’opposition au régime. Issu du Comité Karabakh, le Mouvement national arménien remporte les élections législatives de l’été 1990 avec un programme d’accès à l’indépendance par la voie constitutionnelle.
Lors du référendum du 21 septembre 1991, l’indépendance de l’Arménie est plébiscitée. La disparition de l’URSS accélère le processus de reconnaissance internationale. L’Arménie, qui a repris le drapeau tricolore (rouge-bleu-orange) et l’hymne de la première République indépendante de 1918-1920, devient membre de l’ONU, de la CSCE, du FMI, de la Banque mondiale, d’Interpol, de l’OMC, etc.
La France est l’un des premiers pays à établir des relations diplomatiques avec l’Arménie, en signant un traité d’amitié en mars 1993. Tout en pratiquant une politique d’ouverture avec la Turquie et l’Iran et en privilégiant les relations avec les pays où existent de fortes communautés arméniennes, l’Arménie adhère à la Communauté des États indépendants (CEI) lors de sa création en décembre 1991.
Des réformes institutionnelles sont menées en trois vagues : cadre légal de l’économie de marché, Constitution et système judiciaire, puis, après l’accession au Conseil de l’Europe (2001), ratification des conventions européennes et mise en conformité des lois nationales.
La Constitution du 5 juillet 1995, inspirée de la Constitution française de 1958, instaure un régime présidentiel fort (président élu au suffrage universel pour cinq ans et deux mandats consécutifs au plus). La réforme constitutionnelle de 2005 rééquilibre légèrement les pouvoirs au profit du législateur et du judiciaire et permet l’élection du maire de Erevan jusque-là nommé par l’exécutif, comme les préfets des dix autres régions. La peine de mort est abolie en 2003.
Toutefois, souvent pionnière en matière de démocratisation, l’Arménie n’échappe pas à une certaine dérive autoritaire, ni aux soubresauts politiques.
Un projet de révision constitutionnelle en vue d’instaurer un régime parlementaire est adopté par référendum en décembre 2015. Contesté par l’opposition qui soupçonne le président de vouloir se maintenir au pouvoir par ce biais alors que son mandat expire en 2018, il n’apaise cependant pas la situation politique. En avril 2017, le parti au pouvoir conserve sa majorité absolue à l’issue des élections législatives. Karen Karapetian, chef du gouvernement depuis 2016, est maintenu à son poste et s’engage à accélérer les réformes avec le soutien du FMI et de l’Union européenne.
Erevan a adhéré à l’Organisation de coopération économique de la mer Noire (OCEMN), lancée par Ankara en juin 1992. La Turquie a reconnu la République d’Arménie mais appuie Bakou dans le conflit du Karabakh ou dans le tracé des nouveaux oléoducs et des voies ferrées.
Désormais internationalisée, la crise du Karabakh (plus de 30 000 morts, des centaines de milliers de réfugiés de part et d’autre) a un impact direct sur la vie politique intérieure comme sur les relations extérieures et les axes d’alliance. Le refus de l’Arménie de céder aux revendications de l’Azerbaïdjan sur le Haut-Karabakh – outre celui de la Turquie de reconnaître le génocide arménien – constitue le principal obstacle à une normalisation des relations entre les deux pays.