Cas particulier du Kosovo État unitaire
KOSOVO | / HISTORIQUE |
Historique et évolutions
Le Kosovo est une République à régime parlementaire, qui a adopté sa Constitution le 9 avril 2008.
La population d’origine albanaise, en grande partie musulmane, représente environ 85 % de la population totale, avec un taux élevé de fécondité. Une minorité serbe vit dans le nord du pays. Le développement de ce qui était jusqu’à la déclaration unilatérale de l’indépendance, en 2008, une région de la Yougoslavie puis de la Serbie s’est traduit par la création de quelques industries, à Kosovska Mitrovica (extraction et métallurgie du plomb et du zinc) et près de Priština (mines de lignite alimentant des centrales thermiques).
La guerre de 1999, qui a vu tour à tour la moitié des Albanais puis de nombreux Serbes contraints à l’exil, a aggravé les difficultés économiques (bas niveau de vie, campagnes surpeuplées, chômage considérable) de ce territoire, aujourd’hui le plus pauvre d’Europe, qui dépend de l’aide internationale.
Cinquante-quatre pays, dont la plupart des pays occidentaux, ainsi que la Macédoine et le Monténégro, ont reconnu l’indépendance du Kosovo. Cinq pays membres de l’Union européenne n’ont pas reconnu cette indépendance : il s’agit de Chypre, de l’Espagne, de la Grèce, de la Roumanie et de la Slovaquie.
Plusieurs organisations internationales ont d’importantes responsabilités au Kosovo. La Mission européenne de police et de justice, EULEX, doit veiller à l’application de la loi dans trois secteurs, la justice, la police et les douanes. La Mission des Nations unies au Kosovo, la Minuk, a administré le pays depuis 1999 et a été reconfigurée en 2008. Enfin, la Force de maintien de la paix au Kosovo, la KFOR, dispose de quelque 5 000 soldats de l’Otan et a pour mission d’assurer la sécurité, en particulier dans les régions où les Serbes sont majoritaires, comme Mitrovica.
En effet, aujourd’hui encore, le Kosovo est la terre de plusieurs peuples. Des Albanais, des Serbes, des Rom (Tsiganes), des Ashkali, des Turcs, des Bochniaques (Slaves musulmans s’exprimant en serbe), des Gorani (Slaves musulmans habitant les montagnes du Šar, entre le Kosovo et la Macédoine, et parlant une langue de la famille macédo-bulgare), des Croates vivent au Kosovo.
Ces communautés ont vécu de longues périodes en paix, sinon ensemble, du moins en entretenant des relations de bon voisinage. Dans nombre de villages, l’entraide et la solidarité étaient de mise. Dans de grandes villes telles que Prizren, des habitants utilisent encore quotidiennement quatre langues : l’albanais, le serbe, le turc et le romani. Pourtant, la multiethnicité du Kosovo a été gravement mise à mal par les conflits du XXe siècle.
Au sein de l’Empire ottoman qui, jusqu’en 1912, distingue les différentes populations de la Turquie d’Europe selon des cadres confessionnels et non « nationaux », les appartenances identitaires sont soumises à nombre d’évolutions et de basculements. Durant des siècles, les critères d’identifications communautaires sont moins « nationaux » que socioprofessionnels ou religieux. Sont ainsi qualifiés de « Turcs » l’ensemble des musulmans de la Roumélie, la Turquie d’Europe, qu’ils soient albanais, slaves ou d’une autre origine.
Depuis l’introduction au xixe siècle du concept d’État-nation dans les Balkans et l’émergence de « mythologies nationales », les différentes populations du Kosovo doivent définir leur appartenance nationale. Dans le choc entre les nationalismes albanais et serbe, qui revendiquent de manière exclusive le Kosovo, les « petits peuples » de la région sont sommés de s’intégrer ou de disparaître. Ainsi, les Bochniaques et les Gorani qui vivent encore au Kosovo sont la proie d’une « albanisation » rapide. Pour sa part, Belgrade considère ces populations comme des « Serbes islamisés ».
Après la première guerre balkanique et la victoire des troupes serbes, grecques, bulgares et monténégrines face aux armées ottomanes, les grandes puissances (France, Angleterre, Russie, Autriche-Hongrie) accordent l’indépendance à l’Albanie lors de la conférence de Londres (30 mai 1913). Le Kosovo, pourtant déjà très majoritairement albanais, est partagé entre la Serbie et le Monténégro, puis finalement intégré, après la Première Guerre mondiale, au nouveau « royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes ». La province ne connaît aucun développement économique ou éducatif dans l’entre-deux-guerres et est soumise à une politique de colonisation agraire des autorités serbes. Les Albanais approuvent dans leur majorité la constitution d’une « Grande Albanie » sous domination italienne en 1941.
Les partisans de Tito sont moins implantés au Kosovo que dans les autres régions qui vont former la République socialiste fédérative de Yougoslavie (RSFY) en 1945. Pourtant, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Kosovo obtient le statut de province autonome au sein de la République de Serbie
Cette province jouit de prérogatives politiques et économiques élargies. Après le limogeage en 1966 d’Aleksandar Ranković, responsable de la police politique, et l’élaboration d’une nouvelle Constitution en 1974, la province connaît un fort développement culturel avec la création d’une université. Priština devient la principale capitale intellectuelle du monde albanais.
En revanche, malgré les apports considérables du Fonds fédéral pour le développement des régions pauvres, principalement alimenté par les républiques les plus riches (la Croatie et la Slovénie), le Kosovo demeure dans une situation de sous-développement chronique.
Dès les années 1960, une forte diaspora albanaise du Kosovo s’établit en Europe occidentale, principalement en Suisse et en Allemagne. La mort de Tito et la crise économique des années 1980 fait basculer le mécontentement social en revendications politiques.
Les manifestations albanaises de 1981, qui réclament la transformation de la province autonome en République fédérée de la Yougoslavie, sont réprimées dans le sang par les forces de sécurité yougoslaves. Tout au long des années 1980, le climat entre les deux communautés se dégrade. Les Albanais demandent une égalité sociale, culturelle et politique, tandis que les Serbes dénoncent les pressions et les violences dont ils sont la cible.
Durant les années Milosevic (1987-1999), l’autonomie du Kosovo est supprimée (23/02/1989). Et le Parlement de Serbie annonce triomphalement que la Serbie est « réunifiée ».
Après la signature des accords techniques de Kumanovo le 9 juin 1999, la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies décide l’installation d’une Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), qui instaure de fait un protectorat provisoire sur la province. Malgré la présence sur le terrain de forces de l’OTAN, la KFOR, la moitié des Serbes et des Rom du Kosovo fuient devant le retour des Albanais où sont victimes d’un violent nettoyage ethnique. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), en 1999, 250 000 non-Albanais quittent le Kosovo, sans espoir de retour jusqu’à présent.
À partir du début de l’année 2006, l’ONU organise à Vienne des rencontres entre les délégations serbe et albanaise pour définir un statut pour le Kosovo. Cependant, les positions de Belgrade et de Priština sont incompatibles. Les Albanais n’acceptent rien d’autre que l’indépendance.
Les Serbes sont formellement opposés à toute indépendance et aucun dirigeant serbe ne souhaite prendre le risque politique de « lâcher » le Kosovo. La nouvelle Constitution serbe (adoptée par référendum le 29 octobre 2006) définit ce dernier comme faisant partie intégrante de l’État serbe ; et, selon l’article 114, le président de la Serbie doit faire le serment de préserver l’intégrité du Kosovo et Metohija.
Au terme de négociations infructueuses, l’envoyé spécial des Nations unies, le Finlandais Martti Ahtisaari, propose le 2 février 2007 un document qui doit servir de base à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. D’après celui-ci, le Kosovo pourra rédiger sa Constitution, avoir un hymne et un drapeau et, surtout, adhérer à toutes les organisations internationales, dont les Nations unies. Dans le même temps, les communes serbes pourront jouir d’une décentralisation administrative avancée et entretenir des relations « spéciales » avec la Serbie. La version finale de ce document, remise le 26 mars au Conseil de sécurité, préconise explicitement une « indépendance sous contrôle international » pour le Kosovo.
Le Parlement du Kosovo – en accord avec Washington et de nombreux pays européens tels que la France, la Grande-Bretagne ou la Slovénie, qui préside l’Union européenne depuis le 1er janvier 2008 – proclame unilatéralement son indépendance l’indépendance le 17 février 2008. Le président Fatmir Sejdiu et le Premier ministre Hashim Thaçi déclarent officiellement la naissance du nouvel État.
Belgrade condamne immédiatement cette « indépendance illégale » et des manifestations de protestation sont convoquées à Mitrovica Nord et dans la capitale serbe.
L’indépendance du Kosovo est rapidement reconnue par la majorité des États de l’UE, à l’exception de cinq d’entre eux : Chypre, l’Espagne, la Grèce, la Roumanie et la Slovaquie. Dans la région, la Croatie, la Bulgarie et la Hongrie la reconnaissent dès le 19 mars, suivis par Monténégro et la Macédoine en octobre ; seule la Bosnie-Herzégovine, en raison du refus catégorique de la Republika Srpska, l’entité serbe, ne la reconnaît pas. Admis en juin 2009 au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale, Kosovo ne peut espérer rejoindre les Nations unies tant que la Chine et de la Russie, disposant d’un droit de veto, s’opposent à son adhésion.
Par ailleurs, la Serbie reste politiquement et économiquement présente dans les enclaves, même si les salaires des fonctionnaires rémunérés par Belgrade ont été sensiblement réduits. Ainsi, les élections locales et parlementaires serbes de mai 2008 se déroulent sans violence dans toutes les enclaves, tandis que les Serbes boycottent massivement les élections municipales organisées en novembre 2009 par les institutions de Priština. L’indépendance du Kosovo a donc mis fin à un statu quo intenable, mais elle n’a pas encore permis de rapprocher significativement les différentes communautés. Elle ne clôt pas non plus la tutelle internationale, effective depuis 1999.
À la suite de l’avis rendu, le 22 juillet 2010, par la Cour internationale de justice (CIJ), estimant que la proclamation d’indépendance du Kosovo ne violait pas le droit international, Belgrade assouplit sa position et s’ouvre au dialogue avec Priština dans une résolution commune avec l’UE, adoptée aux Nations unies le 9 septembre. Ce « dialogue », qui doit théoriquement porter sur des « questions techniques » et non pas sur le statut du Kosovo débute à Bruxelles le 9 mars 2011, avec une médiation de l’UE. Parmi les premiers sujets évoqués figurent la question des personnes disparues, les télécommunications et la liberté de circulation.
Le 19 avril 2013, un accord de principe plus global et politique est signé à Bruxelles. Celui-ci prévoit le regroupement des quatre municipalités à majorité serbe du Nord – Mitrovica-Nord, Zvečan, Leposavić et Zubin Potok – au sein d’une nouvelle entité bénéficiant de compétences propres dans cinq domaines initiaux (développement économique, santé, éducation, planification urbaine et rurale), l’intégration des structures parallèles policières et judiciaires serbes au sein de celles du Kosovo, ainsi que l’organisation d’élections municipales.